Selon l’Insee, un tiers des ressources des ménages agricoles provient de l’activité agricole. Ils ont donc du mal à joindre les deux bouts, comme l’avait rappelé la campagne d’affichage de la Coordination Rurale l’an dernier, et tirent l’essentiel de leurs revenus d’autres activités. Parmi ces autres sources de revenu, le photovoltaïsme a le vent en poupe. Mais attention aux abus !
Imaginez que la location de vos terres vous rapporte jusqu’à dix fois ce que vous rapportent vos fermages. C’est la promesse de certains fabricants pour l’installation de panneaux solaires. En effet, 15 % de l’électricité photovoltaïque sont désormais produits sur des terres agricoles.
Ces « fermes solaires » peuvent prendre la forme de centrales dans les pâturages, avec troupeaux sous les panneaux, de toits de recouvrant les serres, ou de panneaux mobiles au-dessus des vignes ou des vergers (avec, s’il vous plaît, orientation de ces panneaux en suivant le soleil).
Dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), outil de pilotage de la politique énergétique, créée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la France prévoit de doubler le solaire d’ici fin 2023, en passant à 20,1 gigawatts (GW) produits contre 10,4 à fin 2020 et d’atteindre, en 2028, 35,1 à 44 GW. Alors, forcément, de tels débouchés sont très (trop ?) attirants.
L’agrivoltaïsme en quelques chiffres
18 % : Taux de ménages agricoles sous le seuil de pauvreté
15 % : Taux du parc photovoltaïque sur des terres agricoles
x10 : Loyer touché grâce à l’agrivoltaïsme par rapport au fermage
x2 : La capacité de la France en énergie solaire d’ici fin 2023 (20,1 GW vs 10,4 en 2020)
35,1 à 44 GW : La production d’énergie solaire en France à horizon 2028
1/3 des ressources des ménages agricoles provient de l’activité agricole
1/5 des revenus est issu du patrimoine (fermages)
Mais entre les débouchés et les abus, il n’y a qu’un pas et certains sont tentés de faire du photovoltaïque pour lui-même et non plus de l’utiliser au service de l’agriculture.
Sur les serres par exemple, l’ombre générée par les panneaux solaires peut empêcher la lumière de passer, et donc la croissance des cultures. Où réside alors la dimension agricole ? Alors que la pression sur le foncier n’a jamais été aussi importante (282 000 hectares agricoles perdus entre 2010 et 2018), du fait de l’expansion urbaine notamment, il ne faut pas que le photovoltaïque ajoute encore au risque de perte du foncier. C’est pourquoi, il est complètement impensable qu’il puisse être envisagé comme une production de remplacement par certains agriculteurs !
Pour la Commission de régulation de l’énergie aussi, le photovoltaïque doit absolument répondre à un besoin agricole et demeurer secondaire à une production agricole principale.
« Les parcs photovoltaïques n’ont pas vocation à occuper des terres arables qui doivent, du point de vue du développement durable, être réservées à la production de nourriture dans une perspective de relocalisation de l’agriculture et de réduction de l’empreinte écologique des systèmes alimentaires », selon le site photovoltaïque.info
L’Afnor (Association française de normalisation) s’est penchée sur la question et a publié en début d’année un label « Projet agrivoltaïsme » pour « qualifier un projet agrivoltaïque qui favorise la production agricole et améliore durablement la performance de la parcelle et de l’exploitation ». Elle demande un taux de couverture de la surface agrivoltaïque inférieur à 50 % de la surface cultivée, et que l’occupation du sol induite par l’installation d’une structure agrivoltaïque représente 10 % de la surface sous structure agrivoltaïque. Mais attention, les certifications de l’Afnor ne sont pas gratuites.
Dans le même temps, signe que le sujet occupe les esprits, Julien Denormandie l’a lui aussi rappelé, en début d’année : « La production d’électricité doit rendre un service à la performance agricole et ne pas s’y substituer. »
Les Chambres d’agriculture, la FNSEA et EDF Renouvelables, qui développe et produit de l’énergie solaire et éolienne, ont signé, mardi 19 janvier, une charte de bonnes pratiques dont l’objectif est de développer et de mieux encadrer le développement des projets photovoltaïques au sol impliquant des terres agricoles.
Tous les acteurs semblent donc s’accorder pour éviter ces dérives inadmissibles. Souhaitons que ce soit avec effet !
En élevage aussi, accompagner le photovoltaïsme
Le sujet du photovoltaïsme intéresse également la filière élevage, puisque les pâtures peuvent aisément accueillir des panneaux solaires. L’Institut de l’élevage s’est saisi de la question et a publié un guide pour accompagner les éleveurs.