Agriculteurs et réseaux sociaux : reprendre le contrôle de l’image de l’agriculture française

L’a­gri­cul­ture fran­çaise, pilier de notre éco­no­mie et de notre patri­moine, fait face à un défi majeur : maî­tri­ser sa repré­sen­ta­tion publique. Entre cri­tiques acerbes et idéa­li­sa­tions roman­tiques, la réa­li­té du métier d’a­gri­cul­teur se perd sou­vent dans le bruit média­tique. Les réseaux sociaux, ampli­fi­ca­teurs de voix et d’o­pi­nions, peuvent être une arme à double tran­chant. Mal­gré tout,et même s’ils peuvent pro­pa­ger des dis­cours néga­tifs, ils offrent aus­si aux agri­cul­teurs l’op­por­tu­ni­té de pré­sen­ter leur réa­li­té et leur quo­ti­dien, et ain­si de valo­ri­ser leur tra­vail.

Un terrain miné : les défis de l’image agricole en ligne

Le monde agri­cole est sou­vent la cible de cri­tiques viru­lentes en ligne. Accu­sa­tions de pra­tiques pol­luantes, de mal­trai­tance ani­male, de course au ren­de­ment… ces dis­cours, par­fois fon­dés, par­fois cari­ca­tu­raux, reflètent une réa­li­té for­te­ment contras­tée et contri­buent à ter­nir l’i­mage de toute une profession.

“L’a­gri­cul­ture est aujourd’­hui au cœur de débats socié­taux majeurs, et les réseaux sociaux sont deve­nus un lieu d’ex­pres­sion pri­vi­lé­gié pour les citoyens, par­fois cri­tiques envers cer­taines pra­tiques agri­coles”, ana­lyse un rap­port du Minis­tère de l’A­gri­cul­ture et de l’A­li­men­ta­tion (source : “Images et repré­sen­ta­tions de l’a­gri­cul­ture dans la socié­té fran­çaise d’au­jourd’­hui”, 2021).

À cela s’a­joute une mécon­nais­sance pro­fonde du métier d’a­gri­cul­teur. L’ur­ba­ni­sa­tion crois­sante et l’é­loi­gne­ment du monde rural ont creu­sé un fos­sé entre les consom­ma­teurs et ceux qui les nour­rissent. Les réseaux sociaux, en ampli­fiant les idées reçues et les infor­ma­tions erro­nées, contri­buent à entre­te­nir cette dis­tance. Un son­dage Opi­nion­Way pour le salon de l’a­gri­cul­ture 2023 révèle que 75% des Fran­çais estiment ne pas bien connaître le monde agri­cole (source : com­mu­ni­qué de presse Opi­nion­Way, “Les Fran­çais et l’a­gri­cul­ture”, 2023).

Reprendre la parole : les stratégies à adopter pour construire une communication positive et authentique

Face à ces défis, les agri­cul­teurs ont tout inté­rêt à inves­tir le ter­rain numé­rique et à s’emparer des réseaux sociaux tout en maî­tri­sant les codes de ces outils par­fois dérou­tants. Voi­ci quelques stra­té­gies pour y parvenir :

1. Humaniser le métier

• mon­trer le quo­ti­dien : par­ta­ger des pho­tos et des vidéos de son tra­vail, des champs aux étables, per­met aux agri­cul­teurs de pré­sen­ter sans fard la réa­li­té du métier et de bri­ser les sté­réo­types et les idées reçues
• racon­ter leur his­toire : expri­mer les  les valeurs qui les animent, leur pas­sion pour la terre, le res­pect du vivant, l’a­mour du pro­duit… per­met de créer une connexion émo­tion­nelle avec le public.
• pré­sen­ter les dif­fé­rents  visages de l’a­gri­cul­ture fran­çaise : se pré­sen­ter, par­ta­ger son par­cours, la réa­li­té du quo­ti­dien, les réus­sites et les dif­fi­cul­tés per­met de créer un lien de proxi­mi­té avec les consommateurs.

L’exemple du compte Ins­ta­gram “Les Pay­sans de Rou­ge­line” est une bonne illus­tra­tion de cette approche : il  pré­sente les agri­cul­teurs qui cultivent les fruits et légumes de la marque, met­tant en avant leur savoir-faire et leur enga­ge­ment. (source : Compte Ins­ta­gram “Les Pay­sans de Rougeline”)

2. Transparence et pédagogie

Cer­tai­ne­ment un des sujets les plus sen­sibles, car for­te­ment sou­mis aux per­cep­tions, au buzz média­tique, aux fausses croyances…autant de cailloux dans la chaus­sure de l’agriculteur, que l’on peut tou­te­fois sur­mon­ter en adop­tant quelques bonnes pratiques : 

• expli­quer les pra­tiques agri­coles : expli­quer sim­ple­ment les tech­niques uti­li­sées, les enjeux envi­ron­ne­men­taux, les contraintes éco­no­miques… per­met d’é­du­quer le public et de décons­truire les idées reçues.
• répondre aux ques­tions : être à l’é­coute des inter­nautes, répondre à leurs inter­ro­ga­tions, par­ti­ci­per aux débats en ligne… per­met de créer un dia­logue constructif.
• ouvrir les portes des exploi­ta­tions agri­coles : orga­ni­ser des visites, des jour­nées portes ouvertes, des ate­liers péda­go­giques… per­met de renouer le contact direct avec les consommateurs.

3. Valoriser les initiatives positives

• mettre en avant les pra­tiques res­pec­tueuses de l’en­vi­ron­ne­ment : agri­cul­ture bio­lo­gique, agroé­co­lo­gie, per­ma­cul­ture… les agri­cul­teurs enga­gés dans des démarches durables ont tout inté­rêt à les faire connaître.
• pro­mou­voir les cir­cuits courts : encou­ra­ger la vente directe, les AMAP, les mar­chés de pro­duc­teurs… per­met de valo­ri­ser une agri­cul­ture locale et de qualité.
• s’en­ga­ger dans des actions de soli­da­ri­té : par­ti­ci­pa­tion à des évé­ne­ments locaux, sou­tien à des asso­cia­tions cari­ta­tives… per­met de mon­trer l’en­ga­ge­ment social des agriculteurs.

Exemple : l’as­so­cia­tion “Fermes d’A­ve­nir” uti­lise les réseaux sociaux pour pro­mou­voir l’a­groé­co­lo­gie et accom­pa­gner les agri­cul­teurs dans leur tran­si­tion vers des pra­tiques plus durables. (source : Site web et page Face­book “Fermes d’Avenir”)

Les réseaux sociaux offrent donc aux agri­cul­teurs fran­çais une oppor­tu­ni­té sans pré­cé­dent de reprendre le contrôle de leur image et de construire une com­mu­ni­ca­tion posi­tive. En huma­ni­sant leur métier, en misant sur la trans­pa­rence, la proxi­mi­té et en valo­ri­sant les ini­tia­tives posi­tives, ils peuvent contri­buer à chan­ger le regard du public sur l’a­gri­cul­ture et réaf­fir­mer leur rôle essen­tiel dans la société.